Najat Vallaud-Belkacem : « L’extrême droite s’approprie les mots de la République dans un sens exclusif, restrictif, et sans universalisme »

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Par Nathalie Funès

Publié le 24 novembre 2024 à 19h14, mis à jour le 25 novembre 2024 à 10h23

Najat Vallaud-Belkacem avec Michaël Fœssel et Hervé Le Tellier, lors du débat « Faire front contre l’extrême droite », animé par Julie Clarini dimanche 24 novembre au théâtre de la Concorde à Paris lors du Festival du Nouvel Obs.
Najat Vallaud-Belkacem avec Michaël Fœssel et Hervé Le Tellier, lors du débat « Faire front contre l’extrême droite », animé par Julie Clarini dimanche 24 novembre au théâtre de la Concorde à Paris lors du Festival du Nouvel Obs. PHOTO ARTHUR GAU POUR LE NOUVEL OBS

Au Festival du Nouvel Obs, l’ancienne ministre de l’Education nationale Najat Vallaud-Belkacem, l’écrivain Hervé Le Tellier et le philosophe Michaël Fœssel ont débattu dans la salle Joséphine-Baker sur les moyens de « faire front contre l’extrême droite ».

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« La dernière raison d’espérer est peut-être que nous sommes si désespérés que nous n’aurons désormais plus peur d’agir ». C’est cette phrase de l’écrivain Hervé Le Tellier -retranscrite dans le numéro du 60e anniversaire du « Nouvel Obs », « le Pouvoir de la joie » – que choisit Julie Clarini, cheffe du service Idées pour introduire le débat « Faire front contre l’extrême droite ». Car la question tétanise. Comment affronter l’inexorable vague de l’extrême droite – qui déferle en France, avec le Rassemblement national (RN), mais aussi partout dans le monde, aux Etats-Unis, qui viennent d’accorder un second mandat présidentiel à Donald Trump, et dans l’Union européenne, ou près d’un tiers des gouvernements des Etats membres est désormais dirigé ou soutenus par l’extrême droite, aux Pays-Bas, en Italie, Suède, Finlande, Slovaquie, et bientôt en Autriche… ? Il ne reste quasiment plus un fauteuil de libre dans la salle Joséphine-Baker du Théâtre de la Concorde, ce dimanche à 16 heures, pour tenter de trouver des réponses. Sur scène, un trio d’intellectuels et d’acteurs engagés : le philosophe Michaël Fœssel, qui vient de publier avec le sociologue Etienne Ollion « Une étrange victoire. L’extrême droite contre la politique » au Seuil, l’écrivain Hervé Le Tellier qui a remporté le Goncourt en 2020 avec son roman « l’Anomalie » et préside l’Oulipo (Ouvroir de littérature potentielle), cofondé par Raymond Queneau, et l’ancienne ministre de l’Education Nationale Najat Vallaud-Belkacem, aujourd’hui présidente de l’ONG France Terre d’asile.

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Mais, concernant l’irrésistible ascension de l’extrême droite, les mots ont-ils tout simplement encore un sens ? Ou sont-ils définitivement déchargés de leur signification historique ? L’écrivain Hervé Le Tellier avoue être troublé par le mot « antisystème » régulièrement brandi par l’extrême droite et qui se retrouvait déjà dans la bouche des nazis, lors de leur montée vers le pouvoir (ils évoquaient alors le « temps du système »). L’auteur insiste sur la « nécessité de ne pas utiliser les termes à mauvais escient, un combat permanent. La perte du sens des mots est destructrice ». Najat Vallaud-Belkacem constate, elle, deux phénomènes à l’œuvre : « Une appropriation des mots de la République par l’extrême droite dans un sens exclusif, restrictif, et sans universalisme », comme la laïcité, et, parallèlement, « une banalisation des mots initialement employés par l’extrême droite », et qui désormais se répandent, y compris, parfois dans la bouche du président de la République lui-même : ensauvagement, islamo-gauchisme, immigrationiste… « La dédiabolisation de l’extrême droite ne peut pas être l’œuvre d’un seul parti, insiste Michaël Fœssel. Il faut que le Rassemblement national (RN) puisse parler la langue majoritaire.  »

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Que faire, donc ? Comment agir une fois qu’on a pris acte de cette confusion du langage ? Pour Hervé Le Tellier, « agir quand on est écrivain, c’est écrire » et les écrits peuvent ensuite avoir un impact par capillarité. L’auteur rappelle qu’à sa création en 1972, le Front national, ancêtre du Rassemblement national, avait repris, vingt-sept ans après, le nom d’une composante essentielle de la Résistance, alors même que le parti prônait une idéologie nazie. Pour Najat Vallaud-Belkacem, aussi, il faut « revenir à l’histoire de ce parti raciste, antisémite, antiféministe, lutter contre les fausses équivalences, comme le lien supposé entre immigration et insécurité, faire de la pédagogie », inlassablement. Michaël Fœssel fait également le lien entre la période des années 1930 et la « brutalisation actuelle du discours politique ». Pour le philosophe, il s’agit de réfléchir « au sens des institutions » et de se repencher sur la « semaine sainte » qui a suivi la dissolution et où « le front républicain a récolté une majorité absolue » face au Rassemblement national, ce qui a démontré que la « mémoire était encore vive » et « les mobilisations possibles. »

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Réhabiliter le clivage gauche-droite, et partant replacer l’extrême droite à sa place sur l’échiquier politique, ne pas l’euphémiser sous les noms de « populisme » ou de « patriotes » (le groupe auquel appartient le Rassemblement national au Parlement européen), mais aussi « dealer » d’une manière particulière avec le parti de Marine Le Pen, désormais première formation politique à l’Assemblée nationale et première force française au Parlement européen. C’est le consensus auquel parviennent les trois débatteurs. Najat Vallaud-Belkacem estime que « la société civile organisée est peut-être le dernier rempart » face à l’image d’une extrême droite qui se revendique « polie et bien habillée ». Elle insiste sur la nécessité que la population « renoue avec le sens politique », que l’on « fasse vivre la démocratie », grâce à l’enseignement moral et civique dans les établissements scolaires et à une régulation renforcée, amendes importantes à l’appui, dans les médias. Michaël Fœssel s’interroge sur le slogan « on n’est plus chez nous », qui traduit l’angoisse d’être délogé et de ne plus pouvoir payer son loyer. Pour lui, il faut renouer avec « un message plus fort de contestation du système de prédation bancaire qui règne en France » pour lutter contre une extrême droite, antivax, antisystème, qui apparaît désormais comme « rebelle ». Le mot de la fin est un tweet, remarqué par l’écrivain, pendant les Jeux olympiques, cet été. « J’adore ce pays. C’est où ? »

 

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