Le Rassemblement National (RN) se trouve à un carrefour stratégique critique, confronté à un dilemme idéologique et programmatique qui évoque le congrès de Bad Godesberg du parti social-démocrate allemand en 1959. Ce dernier avait marqué un tournant majeur vers l’économie de marché, abandonnant la rhétorique marxiste.
Le RN doit choisir entre deux orientations stratégiques : la voie « nationale-libérale » et la voie « sociale-nationaliste ». La première option impliquerait de renforcer l’alliance avec la droite républicaine et de s’appuyer sur des mesures économiques libérales, telles que la réduction des dépenses publiques et la baisse de la fiscalité des entreprises. Cette approche risquerait de déplacer le parti vers un programme plus conforme aux principes de l’économie de marché, potentiellement en décalage avec son électorat populaire actuel.
La seconde option, « sociale-nationaliste », maintiendrait un programme ferme sur les questions de sécurité et d’immigration, tout en conservant des mesures sociales robustes pour soutenir le pouvoir d’achat. Cette stratégie serait plus en ligne avec les discours de Marine Le Pen lors de l’élection présidentielle de 2022, mais pourrait perdre en crédibilité économique.
Ce dilemme peut être analysé à travers le prisme de la théorie de la « coalition électorale » de Maurice Duverger, qui souligne l’importance de la cohérence idéologique et programmatique pour maintenir un électorat loyal. Le RN doit naviguer entre ces deux voies, en considérant les implications de chaque choix sur son électorat et sa crédibilité politique.
La gauche pourrait exploiter ces hésitations stratégiques du RN en réinvestissant des thématiques clés comme la justice sociale, la sécurité et l’immigration, afin de reconquérir une partie de l’électorat populaire actuellement attiré par le RN. Cela nécessiterait une approche cohérente et une forte ambition en matière de protectionnisme économique et de défense des libertés publiques, inspirée par les principes de la social-démocratie et de la justice sociale[1].
Source : https://www.revue-elements.com/a-la-croisee-des-chemins-le-rassemblement-national-doit-prendre-des-risques/