Résumé automatique par l’Intelligence Artificielle :
J’ignore si mes frères téléspectateurs ont cédé à l’injonction de s’extasier devant l’audace et la créativité de la cérémonie inaugurale, pour ma part j’y ai ressenti l’ennui solennel que distillent tous les académismes. Celui-ci peut se définir comme l’académisme du « en même temps » : en même temps le défilé des athlètes et le spectacle, en même temps Aya Nakamura et la Garde républicaine, en même temps les jeux vidéo et le lever du drapeau, en même temps un homme et une femme pour allumer la flamme. Et bien sûr, en même temps la solennité olympique et le wokisme. Plus inclusif tu meurs.
Étant donnée l’obligation de saluer chacune des 205 délégations d’athlètes, le parti pris de les faire défiler sur la Seine dans le même temps que le spectacle condamnait celui-ci à être haché en une succession de mini-séquences sans égard pour la durée des œuvres présentées. Ce saucissonnage était aggravé par l’absence d’unité de lieu, ou plutôt par le remplacement du lieu par les écrans. Nul n’a vu directement l’ensemble de la cérémonie. Les auteurs ont sans doute considéré que l’écran a une capacité d’unification qui dispense d’une construction dramatique, d’un fil, narratif. Ils ont eu tort.
Tout et son contraire
Deux moments de grâce m’ont arraché à ma torpeur : bien sûr l’apparition en prêtresse lunaire de Céline Dion, la seule qui n’a pas été interrompue, mais aussi le numéro d’Aya Nakamura, très réussi grâce à ses formidables danseuses, même si la rencontre avec l’orchestre de la Garde républicaine n’a pas vraiment eu lieu malgré les efforts chorégraphiques de son chef.
Le cérémonial olympique est une imitation des rituels nationaux : hymne, drapeau, formalisme de la gestuelle militaire. Eux aussi nécessitent une unité de lieu où alternent la grandeur des mouvements d’ensemble et la solennité des moments de sacralisation. Le ballet, perdu sur un quai de l’île de la Cité au fil d’un spectacle de variétés, le lever du drapeau au Trocadéro et l’allumage de la flamme aux Tuileries, le tout relié par la course d’un personnage de jeu vidéo, puis par quatre athlètes engoncés dans des gilets de sauvetage, n’ont offert ni grandeur ni émotion.
L’un des attraits de la cérémonie était le suspense entretenu autour du nom du relayeur final de la flamme, celui qui donne son visage à ces Jeux olympiques. Je n’ai oublié ni Cathy Freeman, la championne aborigène à Sidney en 2000, ni Mohammed Ali surmontant sa maladie de Parkinson en 1996 à Atlanta. De visage, nous n’en avons eu aucun. Pas un gros plan sur celui de Marie-Jo Pérec ou de Teddy Riner. Par contre des ultimes porteurs de la flamme, beaucoup. Le choix de Zinedine Zidane, le sportif qui incarne mieux que quiconque le rêve français, semblait s’imposer. Mais non, cela ne suffisait pas, il fallait que, en même temps, soient représentées les catégories ethniques, les âges, les handicapés et, pour finir, un homme et une femme. « En même temps » ou l’absence du courage de choisir.
Bienvenue à Disneyland
L’académisme suscite l’ennui qui lui-même conduit à une sorte de résignation. Ainsi le conformisme woke qui a donné sa couleur à cette soirée a-t-il anesthésié l’indignation que devrait susciter l’obscénité de faire chanter un chant révolutionnaire à une Marie-Antoinette décapitée, sa tête sous le bras, sur les lieux-mêmes de son calvaire. À quand une chanson guillerette fredonnée par un décapité de Daech ? Quant aux scènes de blasphème du christianisme, pourquoi s’en dispenser puisque les évêques n’osent le lendemain que les « déplorer » ? Pourtant, le blasphème n’était sans doute pas l’intention première. Quand les auteurs parodient la Cène, ils s’en prennent moins au Christ qu’à un motif majeur de l’art européen. Comme dans la séquence où la Joconde est évoquée à travers son vol de 1910, il s’agit d’utiliser le patrimoine comme prétexte, comme fond de décor d’animations.
Voilà le fin mot de cette cérémonie, comme de ces Jeux qui transforment la place de la Concorde en piste de skate-board : Paris c’est aussi bien que Disneyland.
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