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LittératureDans La Désinvolture est une bien belle chose, Philippe Jaenada explore avec tendresse et minutie les vies oubliées des marginaux du café Chez Moineau.Aux lendemains de la Libération, Saint-Germain-des-Prés était une fête. Pour les habitués du Café de Flore et des Deux Magots, où se réunissaient une certaine intelligentsia et ses fidèles sous l’emprise de l’existentialisme, la chose est entendue. La jeunesse éprise d’idées (surréalistes, zazous, philosophes) était loin d’être la seule à en avoir fait son quartier général. Une autre, dégagée de toute considération sur l’avenir et sans ambition, se débattait avec l’existence, à l’écart de la société. Peu de traces subsistent d’elle.Passé le boulevard Saint-Germain, en remontant la rue Bonaparte vers le jardin du Luxembourg, un café étroit, dénommé Chez Moineau, lui servait de port d’attache. À vrai dire, plus un rade sordide, un cul-de-sac auquel s’arrimaient, tant bien que mal, des adolescents de 15 à 20 ans et désaxés. La mère Moineau, la tenancière de ce lieu d’échouage situé au 22, rue du Four, avait le cœur sur la main. Quelques couscous les nourrissaient à l’œil. Le service social de sauvegarde de la jeunesse et la police étaient à leurs trousses. Pourquoi Philippe Jaenada, le romancier des vies décalées, s’est-il élancé sur leurs traces ?
« Pourquoi Philippe Jaenada, le romancier des vies décalées, s’est-il élancé sur leurs traces ? »
Cette faune du début des années cinquante n’a pas totalement disparu des mémoires. Rescapé un peu plus âgé de la bande, Ed van der Elsken, figure reconnue de la photographie et du cinéma documentaire néerlandais du XXe siècle, publia en 1956 Love on the Left Bank (« l’amour sur la Rive gauche »), un album deux fois réédité. Les très belles photos noir et blanc prises Chez Moineau constituent le souvenir le plus émouvant de ce « groupe sans espoir, replié sur lui-même ». Il montre l’insouciance et la prodigieuse inactivité de ses membres. Ils y vivaient nuit et jour, y dormaient, riaient, se droguaient ou couchaient les uns avec les autres.La Désinvolture est une bien belle chosede Philippe Jaenada, Mialet-Barrault,2024.Le pape du situationnisme, Guy Debord, fréquenta aussi ce bistrot. Et l’inévitable sourcier du temps passé, Patrick Modiano, l’a pris comme toile de fond, s’en inspirant pour écrire Dans le café de la jeunesse perdue (2007). Touché par les visages et les attitudes de ces habitués qu’il appelle les « moineaux », captés par le photographe, Philippe Jaenada s’est pris d’affection pour eux. Il a jeté son dévolu sur cette clientèle qui n’a pas fait les gros titres de la presse, sauf à une occasion, tragique, à l’origine de son dernier roman, La Désinvolture est une bien belle chose (1).La fresque, extrêmement détaillée de ces trajectoires fracassées d’adolescents, part d’un fait divers surv