[TRIBUNE] Construire des prisons : l’État ne peut pas… ou ne veut pas ?

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[TRIBUNE] Construire des prisons : l’État ne peut pas… ou ne veut pas ?

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Tout avait bien commencé. En 2017, le candidat Emmanuel Macron promettait la construction de 15.000 places de prison en cinq ans. Mais dès l’automne 2017, la chancellerie annonçait que cette promesse ne serait plus tenue sur un quinquennat mais sur deux. Il faudrait donc compter sur 7.000 places, seulement, d’ici 2022…

Puis la reculade – qui tend à se transformer en dérobade – continue. En 2019, il est annoncé que cette promesse de 7.000 places ne serait même pas tenue en 2022. Et, de fait, sept ans et demi après cette promesse de 15.000 places en cinq ans, on compte généreusement 4.465 places construites depuis 2017 (en comptant des réhabilitations), dont à peine 1.500 places nettes. Aujourd’hui, à peu près personne ne croit encore que ces 7.000 places seront bien construites en dix ans de mandat d’Emmanuel Macron.

La prison, ennemie du crime

Pourtant, l’urgence du problème fait l’unanimité. D’un côté car la « suroccupation » carcérale (terme à préférer à celui de « surpopulation » car, en effet, la population carcérale ne doit pas dépendre des places mais des crimes et délits commis par les détenus) atteint effectivement des niveaux nuisibles (155 % en maison d’arrêt) à la fois pour l’humanité due à tout citoyen y compris détenu, mais aussi pour le maintien de l’ordre en prison.

Et d’un autre côté car, quoi qu’en disent ses détracteurs, la prison demeure encore aujourd’hui le meilleur (voire l’unique) moyen de neutraliser les criminels et les délinquants. Un détenu en prison cesse, en principe, d’être une nuisance à l’ordre social. Cette neutralisation est le première fonction de toute peine pénale.

Ainsi, la construction des places de prison, couplée à un maintien inflexible de l’autorité de l’État en prison, est à la base de toute politique pénale un tant soit peu crédible. La faillite du président de la République en la matière est donc une faute politique grave.

Le foncier, une bonne excuse ?

Depuis des années, le ministère de la Justice avance plusieurs explications pour expliquer les difficultés à construire des places de prison. La première concerne la difficulté à trouver le foncier. Les maires et élus locaux s’opposeraient à la construction de prisons. Et, en effet, la future maison d’arrêt de Magnanville (Yvelines), par exemple, cristallise les oppositions de riverains et des élus locaux.

Mais ce constat est à nuancer. Car dans le même temps, d’autres élus s’opposent à la fermeture de prisons sur leurs communes. Ainsi, en 2017, le député Grégory Besson-Moreau s’opposait à la fermeture de l’historique prison de Clairveaux (Aube). En effet, une prison est une présence de l’État dans des zones souffrant parfois de son absence, et en particulier dans la France rurale.

Autre problème récurrent : la durée de construction. En effet, entre les concertations en amont et les recours en aval, les constructions de prison peuvent durer plus de dix ans. L’exemple de la prison de Tremblay-en-France (Seine-Saint-Denis) en est un autre exemple. Malgré l’accord de l’élu local, l’extension de la prison n’a pas avancé, depuis huit ans, du fait des normes environnementales.

À situation exceptionnelle, il faut des mesures exceptionnelles…

La situation carcérale en maison d’arrêt et la situation criminelle dans nos rues appellent aujourd’hui des mesures très énergiques. Il est donc temps qu’un droit d’exception soit mis en place pour enfin dépasser la tragique impuissance publique en la matière. Pour les Jeux olympiques, qui ont fait l’objet de toutes les attentions de l’État, les pouvoirs publics ont mis en place un droit d’exception limitant considérablement les recours. Pourquoi ne pas mettre en place les mêmes ? Par ailleurs, comme cela existe en matière militaire, des réquisitions de matériaux doivent être possibles. Il ne s’agit d’ailleurs pas de spoliation mais d’une priorisation à prix équivalent…

Les solutions juridiques existent. Mais nous en revenons toujours au même mantra : on ne fait rien sans volonté politique. Emmanuel Macron en a-t-il jamais eu ?


Pierre-Marie Sève
Pierre-Marie Sève

Directeur de l’Institut pour la Justice

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