Résumé automatique par l’Intelligence Artificielle :
Par Julien Martin et Arnaud Sagnard
Publié le 26 novembre 2024 à 19h51, mis à jour le 26 novembre 2024 à 20h21
Récit « Le Nouvel Obs » a fait sa crise de joie de la soixantaine, le week-end dernier, dans le bondé et bien nommé Théâtre de la Concorde.
A quoi reconnaît-on des participants à l’anniversaire des 60 ans du « Nouvel Obs » dans un wagon bondé du métro parisien ? A leur diversité sans doute, le premier est plongé dans un livre oublié du pamphlétaire Léon Bloy, le deuxième arbore pour l’occasion un seyant costume de bouteille de Tabasco afin de « pimenter le festival » et le troisième révise sa future intervention au faux procès de l’hebdomadaire prévu le soir même. Si tous les passagers ne se dirigent pas vers le Théâtre de la Concorde, la vingtaine d’événements organisés pour l’occasion a néanmoins rassemblé plus de 5 000 participants le week-end dernier. Des curieux de tous âges, certains ayant dépassé celui de leur hôte, tandis que d’autres pourraient être ses petits-enfants. Ce sont ces derniers qui ont ouvert le bal au cours du débat intitulé « Guide pratique pour ne pas se dégoûter de la politique ».
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Dans la lignée de notre numéro anniversaire consacré au « pouvoir de la joie »,le streamer Jean Massiet rompt d’emblée avec la morosité ambiante : « En France, au premier tour de la présidentielle, on a des communistes révolutionnaires et des néofascistes, des partis de gauche, de droite, du centre, de diagonales diverses et variées, c’est formidable, surtout quand on voit le bipartisme forcé aux Etats-Unis. » Un optimisme partagé par sa codébatteuse, la journaliste Salomé Saqué, qui relève qu’« un jeune sur cinq est engagé dans une association à but altruiste ». Lesquels « sont désormais plus nombreux que les retraités ».
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Mais à chaque débat, on voit des représentants de ces deux espèces prendre des notes, sourire aux lèvres. En particulier quand on y parle politique. En bon journal de tradition sociale-démocrate, « le Nouvel Obs » a convié Raphaël Glucksmann. Bien lui en a pris, l’eurodéputé a fait déborder l’amphithéâtre principal pour la conférence « Comment réparer la France ? » à laquelle il participait avec l’historien Pierre Rosanvallon. Sa réponse ? En faisant une mise à jour du logiciel, pardi ! « La social-démocratie va se régénérer en épousant la question écologique. Il nous faut prouver que la transition écologique nous rendra plus libres, plus autonomes individuellement et collectivement. »
Un peu plus tard dans la journée, Cécile Prieur, notre directrice de la rédaction, ne dira pas autre chose : « Pour toute une génération, “le Nouvel Obs” fut le journal de la social-démocratie. Mais la crise climatique, que nous avions anticipée dans nos pages dès les années 1970, s’est imposée. Aujourd’hui, s’il faut nous raccorder à une idée politique, ce serait la social-écologie. »
Télépathie, symbiose de la pensée ? Pas encore d’union à gauche en tout cas au moment où les écologistes arrivent dans l’espace VIP du théâtre. Car oui, même un hebdomadaire aussi progressiste que « le Nouvel Obs » s’est plié à cette mode pour ses prestigieux amis. Certainement douchés par leurs dernières mésaventures électorales, les Verts se révèlent un brin pâles quand il leur faut répondre à l’épineuse question « L’écologie fait-elle fausse route ? ». L’eurodéputé Pascal Canfin, qui se sent aujourd’hui bien seul chez les macronistes, lâche : « Nous avons perdu pour le moment notre capacité à mobiliser une force sociale-écolo. » Même la patronne des Ecologistes, Marine Tondelier, admet de guerre lasse : « Retenez un truc : à la fin, c’est toujours la faute des écolos ! »
Heureusement, la fibre sociale de la gauche se porte mieux. « Le travail, stop ou encore ? » interroge une autre table ronde, à l’heure où le gouvernement réfléchit à augmenter le temps de travail annuel. « Le travail perd de son sens, six Français sur dix préfèrent travailler moins en gagnant moins, attaque Clémentine Autain, la députée en rupture de ban des insoumis. C’est donc moins la question de la productivité qu’il faut traiter que celle du sens. »
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Ouf ! On en revient enfin au bonheur. Et en particulier celui procuré par la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques. Guest-star de notre numéro précédent comme du festival, son chef d’orchestre Thomas Jolly est venu une nouvelle fois illuminer toute une assemblée. « Ça fait un peu “Inception” de voir son portrait partout », s’étourdit-il avant de monter sur scène.
« Que reste-t-il des JO ? Qu’est-ce qui nous relie ? » l’interroge l’omniprésente Cécile Prieur (oui, il arrive aux reporters d’être fayots). « Il n’y a rien qui ne soit pas la France dans ce que nous avons montré, mais ce n’était pas la France que l’extrême droite veut voir », s’enorgueillit le metteur en scène, hâlé comme on peut l’être au retour de vacances après s’être épuisé au travail. Autour de lui, les deux autres membres du trio auréolé du succès mondial des cérémonies, abondent. « J’ai l’impression d’avoir retrouvé la France que j’aime, qui nous surprend, un peu insolente », sourit l’écrivaine Leïla Slimani, quand l’historien Patrick Boucheron se réjouit d’avoir « donné à comprendre qu’il n’était pas obligatoire que l’extrême droite gagne la bataille culturelle ».
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Le vivre-ensemble en fil rouge, le festival se poursuit. Les fake news menacent la démocratie ? La philosophe et psychanalyste Cynthia Fleury décrypte cette « logique algorithmique et économique qui surproduit de la désinformation » pour mieux la combattre. Un combat pas forcément perdu d’avance, prophétise Giuliano da Empoli, auteur des « Ingénieurs du chaos » : « Les fake news, c’est comme la junk food, c’est addictif, mais la société se rend compte que manger tous les jours au McDo, ce n’est pas bon. »
Pour faire front contre l’extrême droite, la socialiste Najat Vallaud-Belkacem, entourée du philosophe Michaël Fœssel et de l’écrivain Hervé Le Tellier, vante la nécessité de batailler à la fois contre « l’appropriation par l’extrême droite des mots de la République dans un sens restrictif » et « une banalisation par d’autres des mots initialement employés par l’extrême droite ». Invitée, elle, à donner sa recette pour déconstruire les hommes (et mieux les reconstruire), l’écologiste Sandrine Rousseau se gondole d’avoir « mis la France en position latérale de sécurité » en associant barbecue et machisme, mais se félicite d’avoir fait « s’interroger dans les foyers sur la masculinité, peut-être pour la première fois ».
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Dans son numéro anniversaire, « le Nouvel Obs » se faisait fort de livrer les moments de joie de nombreuses personnalités. Le festival a permis d’en vivre deux supplémentaires. Quarante-cinq ans avant de recevoir le prix Goncourt, le petit Kamel Daoud vivait déjà un rêve éveillé : « A 9 ans, j’ai écrit une lettre aux éditions Glénat à faire fendre le cœur du pape. En retour, ils m’ont envoyé un carton rempli de BD. Recevoir un colis de la France dans mon village algérien à l’époque, c’était un évènement. » Lors de sa masterclass, Riad Sattouf, champion toutes catégories des dédicaces organisées avec le concours de la librairie Le Merle moqueur, a aussi raconté la genèse de sa nouvelle BD, « Moi, Fadi, le frère volé » : « Pendant les retrouvailles avec mon frère en 2011, il m’a parlé comme s’il savait ce que j’attendais. J’avais l’impression d’être en face d’une histoire qui ne demandait qu’à être racontée. »
Si la fête est un bon indicateur de la vitalité d’un pays, comme l’a soutenu Jérémie Peltier, codirecteur de la Fondation Jean-Jaurès, gageons que « le Nouvel Obs » aura contribué à faire augmenter ce PIB, en admirant « No Woman’s Land » de Mélissa Cornet et Kiana Hayeri, l’exposition consacrée aux femmes afghanes de la Fondation Carmignac, en écoutant Keziah Jones sublimer son « Rhythm Is Love », en goûtant à « l’Art d’être parent sans se disputer » de la sage-femme Anna Roy et de notre camarade Renée Greusard ou en partant « A la conquête du rire » avec les deux comiques troupiers de France-Inter, Daniel Morin et Tanguy Pastureau.
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La rédaction a elle aussi joué le jeu en confiant les secrets de fabrication de sa couverture et des rubriques justice ou mode. Surtout, elle s’est livrée de bonne grâce à un vrai faux procès sur le modèle du fameux « Tribunal des flagrants délires » afin de savoir, témoins à l’appui, si « le Nouvel Observateur » avait trahi ses idéaux au cours de ses soixante ans d’histoire. Avec, dans le rôle de Pierre Desproges, une certaine Cécile Duflot.
Madame LA procureure (elle a insisté, à raison) a appelé à une sentence « fidèle aux combats » de notre magazine : « Je vous propose de condamner le journal à 20 832 d’heures de travaux d’intérêt général, soit 868 jours. C’est le nombre de jours qui nous séparent du 11 avril 2027, date de la prochaine élection présidentielle, pour refuser que la France se jette dans les bras de l’extrême droite. » Malgré la défense tenace de Sylvain Courage, directeur adjoint de la rédaction quand il ne joue pas l’avocat, à l’applaudimètre et dans une certaine confusion, le tribunal a conclu tout à la fois à l’innocence et à la condamnation du « Nouvel Obs » à continuer sa mission d’intérêt général. Une mission acceptée avec allégresse et qui, dans un monde de plus en plus divisé, pourrait porter le nom du théâtre où elle vient d’être mise à jour : la concorde.