Entretien avec Werner Herzog. « Le langage est la bénédiction de l’humanité »

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CultureWerner Herzog explore la quête de vérité, la puissance du langage et l’expérience physique du monde, mêlant poésie et cinéma pour révéler une réalité à la frontière du rêve.C’est en écrivain que Werner Herzog est venu en septembre à Paris présenter ses mémoires, Chacun pour soi et Dieu contre tous (1). Et c’est en cinéaste que le centre Pompidou l’accueille à partir du 12 décembre, à l’occasion d’une rétrospective exceptionnelle de sa quinzaine de films réalisés depuis 2010 (2). « Je suis un poète qui se trouve incidemment à faire des films », affirme-t-il. Il y a en effet du Rimbaud chez Herzog. Le maître du cinéma allemand, large d’épaules, en impose du haut de ses 82 ans et de son mètre quatre-vingt-cinq. Minuscules et fichés dans de fines entailles, ses yeux ont la même intensité lointaine que ceux de l’homme aux semelles de vent. Ses œuvres sont semblables à des illuminations que le poète, s’il avait vécu, aurait glanées sur les chemins d’Afrique, et au-delà. Insaisissable, Herzog n’est jamais là où on l’attend. L’un des plus grands auteurs vivants, il est aussi l’un des plus méconnus, et des moins compris.En France, on le renvoie encore et toujours au diptyque Aguirre-Fitzcarraldo, ignorant la soixantaine de titres que compte sa filmographie, incroyablement protéiforme. Il a tourné sur les six continents, et la liste de ses sujets donne le tournis : de la peine de mort au saut à ski, de la grotte Chauvet à l’Himalaya, de l’Internet au cœur des volcans. Mais c’est sa manière elle-même qui défie l’entendement. Des fictions inspirées de faits réels – ou de légendes qui pourraient être vraies ; des documentaires qui n’en sont pas vraiment ; des films drôles (le pingouin désorienté de Rencontres au bout du monde) et terrifiants (les geôles de Bokassa dans Échos d’un sombre empire ou les couloirs de la mort dans Into the Abyss), aériens et au plus près de la matière même du monde – ou de l’étoffe des rêves, on ne sait jamais.Avec lui, le réel renoue avec la merveille, et la merveille avec tout son potentiel horrifique ; et le sublime, comme chez Burke, retrouve sa dimension d’effroi. Herzog résiste à toute réduction.
« Véritable icône pop, il est, avec Chaplin, Hitchcock, Allen et Godard, au panthéon des cinéastes devenus « silhouettes ». »
Est-ce pour cette raison qu’il est perçu comme une figure de la liberté – y compris par des adolescents découvrant ses films sur Internet ? Véritable icône pop, il est, avec Chaplin, Hitchcock, Allen et Godard, au panthéon des cinéastes devenus « silhouettes » et personnages, alors même qu’on ne le voit que très peu dans ses films. Il est une myriade de mèmes sur Internet, il « apparaît » dans Les Simpson et, bien qu’il incarne à lui tout seul la résistance aux diktats des gestionnaires et des studios, il joue des bad guys inoubliables dans les superprodu 

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