L’actualité politique de la semaine

# Analyse de l’actualité politique française : un an après la dissolution de l’Assemblée nationale

L’actualité politique française de cette dernière semaine est marquée par un anniversaire symbolique : celui de la dissolution de l’Assemblée nationale par Emmanuel Macron le 9 juin 2024. Un an jour pour jour après cette décision qui a bouleversé le paysage politique français, il est temps de faire le bilan de cette année parlementaire inédite et d’analyser les conséquences de ce choix présidentiel à travers différents prismes idéologiques.

## Le choc de la dissolution : retour sur un séisme politique

Le 9 juin 2024, au soir des élections européennes qui ont vu le Rassemblement national triompher et le camp présidentiel subir une lourde défaite, Emmanuel Macron créait la surprise en annonçant la dissolution de l’Assemblée nationale[1]. Cette décision, préparée dans le plus grand secret, a pris de court l’ensemble de la classe politique française et a constitué un véritable coup de théâtre[1]. Emmanuel Macron est ainsi devenu le quatrième président de la Ve République à utiliser cette prérogative constitutionnelle[1].

Les législatives anticipées qui ont suivi ont abouti à une configuration politique inédite : une Assemblée nationale divisée en trois blocs, sans majorité claire[5]. Le Rassemblement national, avec 123 députés, est devenu le parti le plus important mais insuffisant pour gouverner, tandis que le Nouveau Front populaire n’a pas réussi à atteindre les 200 sièges, et que le camp présidentiel n’a maintenu sa position qu’au prix d’une alliance avec la droite[5].

## Lectures idéologiques d’une année de fragmentation politique

### Perspectives de gauche

**Pour les tendances de gauche**, cette année écoulée peut être interprétée de diverses manières :

– **Les libertaires et écologistes** pourraient voir dans cette fragmentation une opportunité pour faire avancer des propositions législatives ponctuelles, notamment sur les questions environnementales, rappelant la pensée de Murray Bookchin sur l’écologie sociale et la nécessité de repenser nos institutions.

– **Les communistes et trotskystes** analyseraient probablement cette situation comme la manifestation d’une crise du système capitaliste et de la démocratie représentative bourgeoise, rejoignant les analyses de Gramsci sur les crises d’hégémonie.

– **Les sociaux-démocrates**, dont Olivier Faure qui vient d’être réélu de justesse à la tête du Parti Socialiste[2], voient sans doute dans cette période l’échec du macronisme et la nécessité de rebâtir une alternative progressiste crédible, tout en composant avec les autres forces de gauche.

### Vision centriste et libérale

**Pour les centristes et libéraux**, la dissolution apparaît un an après comme une « bombe à fragmentation »[3]. Les héritiers de Raymond Aron pourraient y voir une tentative – échouée – de clarification du paysage politique qui a conduit à une situation encore plus complexe. Le camp présidentiel, fragilisé, a dû s’allier avec la droite pour maintenir un semblant de gouvernabilité, au risque de perdre son identité centriste initiale.

La décision présidentielle, qui se voulait un acte gaullien de recours au peuple pour trancher, s’est transformée en une impasse politique que ni Tocqueville ni Montesquieu n’auraient su prévoir dans leurs théories sur la séparation des pouvoirs et le fonctionnement démocratique.

### Analyses de droite

**Pour les différentes sensibilités de droite** :

– **Les Républicains** voient leur rôle pivot renforcé mais au prix d’un rapprochement avec le camp présidentiel qui divise profondément leurs rangs, rappelant les analyses d’Aron sur les conflits de loyauté.

– **Le Rassemblement national et la droite nationale**, malgré leur progression historique, font face à la frustration d’une victoire inachevée, situation qu’analyserait Carl Schmitt comme la tension entre légitimité et légalité.

– **Les courants identitaires et royalistes** peuvent interpréter cette situation comme la preuve de l’épuisement du modèle républicain, rejoignant certaines analyses de Joseph de Maistre sur l’instabilité des régimes issus de la Révolution française.

### Perspective communautariste

Du point de vue **communautariste**, cette fragmentation politique pourrait être vue comme une opportunité pour faire entendre des revendications spécifiques à certains groupes sociaux ou culturels. Les penseurs comme Charles Taylor ou Michael Walzer verraient dans cette configuration éclatée une occasion de dépasser le cadre universaliste républicain pour reconnaître davantage les particularismes.

## L’Argentine en miroir de la situation française

Dans l’actualité internationale de cette dernière semaine, les manifestations contre les politiques d’austérité du président argentin Javier Milei[4] offrent un contrepoint intéressant à la situation française. La comparaison entre ces deux situations permet d’interroger les limites du libéralisme économique et les réponses politiques à la crise sociale dans des contextes différents.

## Bilan et perspectives

Un an après la dissolution, l’Assemblée nationale française demeure profondément divisée, illustrant la fragmentation politique du pays. Cette configuration sans précédent sous la Ve République met à l’épreuve nos institutions et interroge sur la gouvernabilité du pays.

Cette période nous rappelle les analyses de Pierre Rosanvallon sur la contre-démocratie et la défiance envers les institutions représentatives, mais aussi les réflexions d’Hannah Arendt sur la fragilité des espaces politiques communs. L’anniversaire de la dissolution nous invite à repenser fondamentalement notre modèle démocratique face à des défis croissants de légitimité et d’efficacité.

La situation actuelle reste marquée par l’incertitude politique, et les prochains mois détermineront si cette fragmentation conduira à de nouvelles recompositions ou à un blocage durable de nos institutions.

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